INVITÉS RTL – Une récente étude de l’Arcom alerte sur une consultation de masse des sites pour adultes par les mineurs.

Nikita Bellucci, actrice et productrice de films X, et Thomas Rohmer, directeur de l’observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, soulignent sur RTL l’importance de sensibiliser les enfants aux risques qui en découlent.

Les chiffres sont édifiants et ancrent dans la réalité un phénomène de plus en plus tangible. À l’âge de 12 ans, la moitié des garçons et un tiers des filles regardent régulièrement des films porno. À l’âge de 10 ans, un petit garçon sur 5 consulte régulièrement des sites pour adultes. Au total, 2,3 millions de mineurs (30%) sont ainsi exposés à des images pornographiques pendant plus de 50 minutes en moyenne chaque mois, une proportion à peine plus faible que chez les adultes. Tels sont les enseignements de la dernière étude publiée par l’Arcom en 2022 auprès de 25.000 panélistes. 

Comment protéger les enfants du porno ? Pour en débattre sur RTL ce mercredi 7 juin,Nikita Bellucci, actrice et productrice de films X, et Thomas Rohmer, directeur de l’observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, l’une des associations qui porte ce combat en justice.

« Quand on met un contrôle parental, ça permet de bloquer des applications. Mais il suffit d’aller sur un navigateur Internet pour trouver du porno. Pas besoin d’aller sur des sites spécialisés », souligne Nikita Bellucci. « Avant, on nous demandait d’intervenir  à la rencontre de parents et professionnels, plutôt dans les collèges et lycées. Maintenant, ça se passe plutôt dans les écoles primaires », abonde Thomas Rohmer. 

La justice se fait attendre

Plusieurs associations ont saisi les tribunaux pour que les fournisseurs d’accès à Internet bloquent plusieurs sites porno parmi les plus populaires en France car ils ne respectent pas la législation en vigueur en conditionnant leur accès à un simple clic pour se déclarer majeur. Le tribunal judiciaire de Paris doit se prononcer sur ce dossier le 7 juillet. Mais les procédures peinent à aboutir. 

« Pour avoir assisté aux audiences suite à la saisine de l’Arcom, les avocats des sites impliqués n’ont eu de cesse de brandir des contradictions institutionnelles très présentes dans notre pays, avec parfois des institutions qui ont du mal à se parler. Parfois on entend qu’il faut mettre en place la carte bleue, puis la Cnil dit que ce n’est pas bien.. Ce qui leur fournit des arguments », déplore Thomas Rohmer.  Les gérants des sites concernés refusent par exemple de mettre en place des systèmes de vérification de l’âge car ils estiment que la loi ne détaille pas assez précisément les modalités techniques attendues.En attendant une possible jurisprudence sur le sujet, le gouvernement a présenté des mesures visant à raccourcir ces procédures judiciaires en confiant davantage de pouvoir à l’Arcom dans sa récente loi pour sécuriser Internet afin que l’autorité puisse bloquer en quelques semaines seulement et sans la décision d’un juge les sites porno qui ne vérifient pas l’âge des visiteurs.

On trouve aussi du porno sur Twitter

Outre les sites pour adultes, comme Pornhub ou Youporn, le porno est aussi accessible sur les réseaux sociaux, comme Twitter, où il est très facile de trouver ces contenus pour les jeunes. « J’ai une maman qui m’a écrit récemment après avoir installé un contrôle parental sur le téléphone de sa fille. Elle n’avait pas accès à tous ces sites mais il suffit de taper des mots clés sur Twitter pour accéder à des heures et des heures de porno. Et pire encore, à des contenus totalement illégaux, notamment de la zoophilie et de la pédopornographie, voire des viols », explique Nikita Bellucci. Plusieurs associations ont d’ailleurs saisi l’Arcom l’an dernier pour demander le blocage de Twitter pour ces motifs.

Au-delà des dispositifs techniques, la première des mesures de prévention s’avère finalement l’échange et la sensibilisation en famille. « On apprend à notre enfant à traverser la rue pour qu’il ne se fasse pas écraser. Il faut aussi lui apprendre à utiliser un téléphone portable, à le protéger en installant un contrôle parental. Mais tout interdire ne sert à rien. Il faut de la pédagogie et discuter de ce qu’il a pu voir sur Internet, qu’il se sente en sécurité et en confiance », résume Nikita Bellucci. « C’est avant tout une responsabilité des adultes. Le premier smartphone arrive en CM1 en moyenne. Et tout ce qui est éducation aux médias et l’accompagnement à bien utiliser ces outils ne fonctionnent pas avec des politiques publiques systématiquement tournées vers les enfants et l’évitement du risque », déplore Thomas Rohmer.

En parler dans la sphère familiale et à l’école

Comment briser la glace et évoquer le sujet avec son enfant ?  » « Quand on est face à des parents on leur dit la vérité. Aujourd’hui, à l’état actuel des choses, 100% des enfants vont tomber sur ces contenus, quoi qu’on fasse. Qu’est-ce qu’on fait ? On continue à se mettre des œillères ? L’enjeu est vraiment de préparer le terrain, d’ouvrir un espace de dialogue avec des mots très simples. Lui dire qu’il est possible qu’il tombe sur ce genre de contenus. Pace que ce qu’on observe souvent chez les enfants, c’est un repli sur lui-même et il n’en parle jamais à aucun adulte et les psychologues sont d’accord sur le fait que c’est à ce moment précis que les images deviennent traumatiques », poursuit le spécialiste. 

Outre la sphère familiale, l’éducation devrait aussi être un levier, estime Thomas Rohmer, qui déplore qu' »aujourd’hui, l’éducation sexuelle et affective s’apparente surtout à comment avoir des bébés et éviter des MST et ça fait 30 ans que ça dure ». « Où est la notion de plaisir, de connaître son corps, celui de l’autre, de respecter l’intimité des enfants ? », s’interroge-t-il. 

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