Ne pas éluder, expliquer, rassurer. Pas facile, pour les parents, de trouver les mots justes pour parler aux enfants de la guerre en Ukraine. Voici les conseils de Marion Haza, psychologue et présidente de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique.

Faut-il parler de la guerre aux très jeunes enfants ?

Il ne faut pas forcer l’explication. Toujours partir de ce qu’ils savent, capté d’une conversation entre adultes ou entendu en cours de récréation. Et ne pas laisser l’enfant sans réponses, au risque de l’inquiéter plus que de raison. Les petits ont un raisonnement très binaire : c’est tout blanc ou tout noir mais, dans leur tête, tout est réversible. Ce matin, Paul est méchant, il m’a donné un coup de pied. Le lendemain, c’est mon grand copain, il a joué avec moi. Il faut donc éviter de décrire un conflit opposant des gentils et des méchants. On peut, en revanche, expliquer qu’un pays fait la guerre à un autre et localiser les combats sur une carte. Ceci afin d’éloigner le danger, que l’enfant ne s’imagine pas qu’on se tire dessus au pied de son immeuble.

Que dire à un enfant en fin d’école primaire ?

Vers 10 ans, on peut ouvrir le dialogue, demander à l’enfant s’il a entendu parler de ce qui se passe et ce qu’il en a compris. À cet âge, le mot guerre est apparu plusieurs fois dans son quotidien : guerre menée contre la covid-19, contre le terrorisme. Des parallèles peuvent être établis pour montrer que la guerre n’est pas un état permanent, qu’il est possible de trouver des solutions. Évoquer les disputes avec les frères pour décider du programme télé ou de ce qu’on mange peut aussi permettre d’illustrer que, quel que soit le désaccord, on peut finir par trouver un terrain d’entente.

« Aux ados, il faut bien faire comprendre que la guerre qui se joue est aussi une guerre des images, avec son lot de manipulations »

Les images de combats et de destructions à l’heure du dîner, bonne ou mauvaise idée ?

Mauvaise. Les images peuvent être traumatiques. Un jeune enfant n’est pas en capacité de les détoxifier, ni de comprendre ce qu’il voit. Il va les rapprocher de choses connues et, s’il visionne une explosion, refuser, par la suite, d’aller voir un feu d’artifice. Aux ados, il faut bien faire comprendre que la guerre qui se joue est aussi une guerre des images, avec son lot de manipulations. Leur montrer que la même image de bombardement – parfois venue d’ailleurs, parfois même tirée d’un simple jeu vidéo – peut être utilisée par les deux parties adverses, sous-titrée différemment. Dans un cas, ce sont des soldats ukrainiens qui sont morts. Dans l’autre, ce sont des soldats russes.

Mon enfant joue à la guerre avec son petit voisin. Comment dois-je réagir ?

Jouer, mettre en scène participe au développement de l’enfant, surtout lorsqu’il maîtrise encore mal le langage et ne sait pas verbaliser ce qu’il ressent. Il faut le laisser faire et rester à l’écoute des questions ou des inquiétudes possiblement sous-jacentes, mais qui ne sont pas systématiques.

Et avec mon ado qui semble indifférent au conflit, le nez dans son smartphone et le casque sur la tête ?

Lui parler de la guerre, oui. Mais sans lui imposer les chaînes d’info en continu. Les adolescents ont besoin d’être connectés entre eux. Et aussi d’entendre parler d’autre chose que de covid, de guerre, de réchauffement climatique et de chômage. Leur apparente indifférence n’en est pas une. Elle peut aussi masquer un sentiment d’impuissance : « Je ne peux rien faire contre cette guerre, alors pourquoi s’y plonger 24 heures sur 24 ? »

 

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