Entretien avec Thomas Rohmer, de l’OPEN, qui distribue ses conseils aux parents, dans le cadre du mois de sensibilisation au numérique qui se déroule dans le Loiret.

Alors que le retour au confinement promet une vie sur Internet plus riche que jamais, le Département du Loiret déploie auprès des jeunes et parents sa campagne de sensibilisation au numérique et aux écrans : un appel à accepter, et même exploiter au mieux cet outil, sans perdre de vue ses dangers et limitations. Escape game dans les collèges, campagne d’affichage sur les abribus, actions de la Protection maternelle infantile…

Des rencontres avec le grand public, et notamment les parents, étaient également prévues sur le territoire, qui ont été annulées en raison du contexte sanitaire. Parmi les intervenants se trouvait Thomas Rhomer, président-fondateur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique. Il nous a, à la place, accordé un entretien sur l’impact du numérique et des écrans sur la santé.

Quel est l’impact des écrans sur les enfants??

« Aujourd’hui, on entend tout et n’importe quoi sur le sujet, il est difficile pour les parents de s’y retrouver face aux injonctions contradictoires. Les études scientifiques sont encore en cours, et portent principalement sur la télévision. Néanmoins, cela n’empêche pas de faire preuve de bon sens. »

Et quel est ce bon sens, justement??

« L’usage de l’écran est déconseillé avant 3 ans. On s’est rendu compte qu’il fait écran, justement, à la relation avec les parents, ce qui est un enjeu majeur de l’éducation et de la parentalité.

De plus, le cerveau avant 3 ans n’est pas mûr physiologiquement pour décrypter 25 images à la seconde. On se donne l’impression que les petits comprennent les dessins animés, mais non : leur cerveau est attiré par la lumière, le son, les images qui bougent vite, ça a un effet hypnotique. À la limite, un jeu avec les parents sur la tablette pour une durée de quelques minutes peut avoir du sens. »

Et au-delà de 3 ans??

« Les parents sont soumis à beaucoup de pression. Il faut se détendre un peu. Si les enfants regardent la télé pendant le confinement, ce n’est pas grave, les règles doivent être évolutives. »

« Ce qui est important, c’est d’expliquer à l’enfant qu’il peut regarder un dessins animé pendant quinze minutes, et qu’ensuite on se promènera, ou on jouera à un jeu. Ne pas oublier d’inscrire le temps d’écran dans le balisage de la journée comme on le fait avec les autres activités. L’enfant ne fera pas une crise à la fin du dessin animé s’il sait ce qui se passe après. »

Donc les écrans après 3 ans ne sont pas un problème??

« Évidemment, il ne faut pas en abuser. L’écran ne doit pas faire obstacle aux connexions sociales, d’autant que c’est entre 3 et 6 ans que se créent les connexions synaptiques. Il est bon de privilégier des temps d’écran partagés avec les adultes, qui ne doivent pas se substituer à d’autres activités. Quand l’écran remplace les interactions, c’est là qu’apparaissent les écarts de langage, les troubles comportementaux et même l’agressivité, il ne fut pas nier ce problème.

Alors oui, l’écran (jeux sur tablette, télé) est bien pratique pour occuper l’enfant. Mais souvenez-vous que l’ennui est quelque chose de très intéressant pour le cerveau, c’est un moment créatif. S’il s’ennuie, ce n’est pas grave, on peut le laisser pleurer un peu. »

Qu’en est-il des adolescents??

« Précisons que l’addiction aux écrans n’existe pas. On est addict à des substances. Il peut y avoir une dépendance comportementale aux jeux vidéo, mais elle ne concerne que 3 % des joueurs au niveau mondial.

Souvent, pour les adolescents, les jeux vidéo deviennent une valeur refuge.
Pour la plupart des joueurs excessifs (et ils ne sont pas si nombreux), le vrai problème se trouve ailleurs : un mal-être, des dysfonctionnements familiaux… Attention à ne pas tout mélanger.

Je conseille aux parents qui ont des problèmes avec les jeux vidéo de leurs enfants à s’intéresser à ce qui se joue.

S’ils ne viennent pas à table, c’est peut-être parce qu’ils ne peuvent pas, qu’ils sont au milieu d’un jeu en ligne et qu’ils ne peuvent pas abandonner leur équipe. On ne leur demanderait pas forcément d’interrompre un match de foot avec des copains pour venir manger…

Il faut s’intéresser au jeu, et à partir de là mettre un cadre, et les choses s’apaiseront parfaitement. Ils pourront même peut-être alors jouer en famille, et ces jeux deviendront un médium de communication à part entière. »

Vous vous montrez donc favorable à l’utilisation du numérique et des écrans…

« L’enjeu est de ne pas oublier que l’écran est un outil. Comme n’importe quel outil, tout dépend de ce qu’on en fait. Stigmatiser l’outil, c’est déresponsabiliser l’utilisateur. On a vu que l’écran est précieux dans le maintien du lien pendant le confinement. Remettons de l’humain dans l’utilisation du numérique?; mais ne le laissons pas se substituer aux rapports humains. »

Pour aller plus loin

Un espace est consacré aux parents sur le site de l’association, sur lequel ils trouveront notamment des podcasts régulièrement postés.
« Celui du 5 novembre portera sur le cyberharcèlement, pour ceux qui ont besoin d’être rassurés sur le fait qu’ils sont de bons parents. Ceux-ci subissent une pression dingue, il faut dépassionner tout ça ! », assure Thomas Rohmer

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