La proposition de loi sur les violences conjugales a été adoptée hier au Sénat. La rapporteure Marie Mercier a fait adopter un amendement anti-porno, avec avis favorable du gouvernement. 

L’amendement industrialise le blocage judiciaire de ces sites, dès lors qu’ils sont accessibles aux mineurs. Selon nos informations, le texte fut poussé par Dorcel et l’association OPEN.

Pour la sénatrice Marie Mercier (LR), les demandes d’accès vers les sites pornos « ont explosé pendant le confinement, et surtout pour des films pornographiques violents, autrefois limités aux personnes sadomasochistes ou BDSM. Aujourd’hui, le violent est devenu normal, et les jeunes filles trouvent normal que leur partenaire soit violent ».

« Cet amendement est utile, avis favorable » a embrayé Adrien Taquet, secrétaire d’État à la famille. Voilà comment hier le Sénat a justifié le vote de l’amendement LR inscrit après l’article 11 de la proposition de loi. La rapporteure a rappelé qu’ « en principe, l’article 227-24 du Code pénal permet de sanctionner les sites qui diffusent des images pornographiques susceptibles d’être vues par un mineur. La peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ».

Toutefois, « en pratique, cet article n’est pas appliqué dans l’univers numérique, la justice ne parvenant pas à atteindre les éditeurs de ces sites, souvent basés à l’étranger, dans des paradis fiscaux, non coopératifs ».

Une liste noire des sites à bloquer et déréférencer

Le texte introduit en France un dispositif de blocage des sites pornographiques, comparable à celui existant en matière de jeux d’argent en ligne (dispositif ARJEL).

Une fois publié au Journal officiel, il donnera pouvoir au président du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) de mettre en demeure ceux se contentant d’un simple avertissement selon lequel le site est réservé aux majeurs. Une déclaration d’âge est jugée trop peu suffisante, écartée juridiquement par l’article 11 de la proposition de loi, lui aussi adopté.

Si dans les 15 jours, le site pointé du doigt n’a pas trouvé de solution suffisamment solide pour contrôler l’âge de l’internaute, alors le président du CSA pourra saisir le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner son blocage d’accès chez les FAI, outre le déréférencement dans les moteurs de recherche.

FranceConnect ou paiement par carte bancaire

Comment faire pour contrôler l’âge des internautes à l’entrée de ces sites ? Dans l’exposé des motifs, la rapporteure LR suggère plusieurs solutions alternatives aux « disclaimers ». Parmi les pistes, l’usage de FranceConnect ou le paiement par carte bancaire. Solutions que devront adopter l’ensemble des « tubes » X mais aussi les blogs, sites amateurs, forums, qui publient des photos, textes, vidéos, s’ils sont du moins mis en demeure depuis le CSA.

« Beaucoup de mineurs visionnent ces images dès leur entrée au collège », estime sans autre démonstration l’amendement. Une situation qui « conduit à s’interroger sur l’impact que la consommation d’images pornographiques pourrait avoir, à moyen terme, sur leur développement affectif, psychologique et sexuel ».

Selon la sénatrice Marie Mercier, « l’adoption de cet amendement permettrait de mettre en œuvre l’engagement que le président de la République avait pris, le 20 novembre 2019, lors d’un discours prononcé à l’Unesco. Il avait donné six mois aux acteurs de l’internet pour mettre en place un contrôle parental par défaut, sans quoi il serait nécessaire de légiférer ».

Le sujet devait à l’origine être traité dans le cadre du projet de loi sur l’audiovisuel, aujourd’hui compromis au regard du calendrier parlementaire, surchargé. Il a donc été introduit dans la proposition de loi contre les violences conjugales.

Un amendement OPEN/Dorcel

Selon nos informations, c’est la députée LREM Bérangère Couillard, d’ailleurs coauteure de cette proposition de loi, qui devait déposer l’amendement. C’est finalement la sénatrice LR Marie Mercier qui l’a pris sous son aile. Le texte n’a toutefois pas été imaginé au Parlement ni même au gouvernement.

Dans un courrier en notre possession, l’exécutif reconnaît ouvertement que l’amendement est « poussé par OPEN et Dorcel ». Un curieux alignement de planètes de constellations bien différentes. Marc Dorcel se plaint depuis des années de la concurrence des tubes et plus largement du piratage des contenus X en ligne.

Et pour cause, le service commercial repose lui sur un modèle d’accès payant. Avec le blocage des tubes et autres sites X trop facilement accessibles, il peut espérer revoir venir vers lui les brebis égarées, CB en main.

Quant à l’association Open, qui a fait appel à un cabinet d’avocats pour jauger la conformité constitutionnelle de l’amendement, elle plaide depuis des années pour cette restriction d’accès, sur l’autel de la protection des mineurs.

En octobre 2016, son président Thomas Rohmer, avait été « nommé par le Premier ministre, sur proposition de la ministre de la Famille, en tant qu’expert sur les sujets enfance et numérique au sein du Haut Conseil de la Famille de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA) ». En 2017, la même association avait commandé un sondage IFOP intitulé « Les adolescents et le porno : vers une « Génération Youporn » ? »

Sondage qui fut utilisé par la ministre de la Famille d’alors, Laurence Rossignol, plaidant pour un blocage d’accès. À l’époque, l’épisode fut un échec, limité à de simples déclarations d’intention. Il est aujourd’hui en passe de devenir réalité.

retrouver l’article