Une importante enquête sur la parentalité et le numérique met en évidence de nombreuses contradictions dans la gestion des écrans de la part des parents. 

Pour la majorité des parents, le besoin de se rassurer semble finalement prévaloir sur l’intérêt de l’enfant. Suivre ses déplacements en temps et en heure, le sentir intégré dans sa classe, le considérer en adéquation « avec son temps », le savoir diverti plutôt que de prendre le risque qu’il s’ennuie un tout petit peu… Toutes ces (mauvaises) raisons font qu’à 9 ans et 9 mois, ils offrent un smartphone à leur enfant, alors même que ce dernier n’a rien demandé ! Et pourtant, la quasi-totalité des parents craignent, à juste titre, l’effet de dépendance et le risque de rentrer en contact avec des inconnus. On pourrait alors imaginer que les logiciels de contrôles parentaux ont la cote ! Pas vraiment. Ils sont en réalité une minorité à contrôler les usages numériques de leur enfant. Parfaite et dangereuse incohérence. Zoom sur quelques détails d’une vaste et passionnante étude réalisée par Médiamétrie pour le compte de l’Unaf (Union nationale des associations familiales) et de l’Open (Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique) auprès de plus de 2.000 foyers français.

Un cadeau empoisonné ?

Que ce soit pour le téléphone, la console de jeu, la tablette, la télévision ou l’ordinateur, le tout premier motif d’achat est le cadeau. Quand bien même l’enfant n’a rien demandé. Ainsi, pour le téléphone, 43% des parents déclarent avoir fait un cadeau, tandis que 11% indiquent avoir cédé à une demande insistante de l’enfant. Un cadeau que l’on offre à son enfant de plus en plus jeune. Le premier téléphone est donné à 9 ans et 9 mois. À titre de comparaison, en 2016, l’âge moyen du premier téléphone portable était de 11 ans. La première console de jeu arrive à 7,3 ans, la tablette juste avant 7 ans, et l’ordinateur à 8 ans et demi.

Parallèlement à cela, 90% des parents déclarent craindre que le numérique ne crée une dépendance aux écrans. 87% sont conscients du risque que l’enfant puisse entrer en contact avec des inconnus, et 80% craignent l’exposition à des contenus violents et pornographiques. Donc un cadeau certes, mais empoisonné ! Ou en tout cas, à prendre avec des pincettes. Un « cadeau » qui exige un accompagnement et un contrôle. Et pourtant, ils ne sont que 44% à paramétrer le téléphone ou la console et seulement 38% à utiliser des logiciels de contrôle parentaux. Seule la moitié d’entre eux ont accompagné leur progéniture pour leur première initiation sur les réseaux sociaux.

Une exemplarité à remettre en question

Certains parents se défendent cependant d’émettre des règles quant à l’usage des objets numériques à la maison : 59% des parents interdisent les écrans à table, et 58% en limitent le temps d’usage quotidien. En revanche, ils ne sont pas des as de l’exemplarité ! Seuls 2% des parents n’utilisent jamais d’écran en présence de leurs enfants. « Nombre d’adultes imposent des règles qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes. Le mélange d’utilisation professionnelle et personnelle de ces outils les empêche d’avoir un recul sur leurs propres pratiques », relève Thomas Rohmer, président de l’Open.

Ressort de cette étude le triple enjeu des parents du XXIème siècle : prendre du recul par rapport à leur propre usage des objets connectés et notamment des réseaux sociaux – top 1 des activités sur Internet, réaliser que leur propre besoin d’être rassuré peut en réalité porter préjudice à l’enfant, et mettre en place une gestion cohérente des écrans, au risque de donner naissance à une génération de « crétins digitaux », comme le souligne le neuroscientifique Michel Desmurget dans son ouvrage La Fabrique du crétin digital (Seuil).

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