Le travail des enfants sur YouTube pose question. À la suite d’une saisie du Conseil National de la Protection de l’Enfance par une association, une sénatrice a interpellé Muriel Pénicaud pour faire évoluer la loi.

Le gouvernement va-t-il siffler la fin de la récré? Cheval de bataille de l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique (OPEN) depuis plusieurs mois, le travail illicite d’enfants sur des vidéos YouTube inquiète. Comme le relève Le Monde , Michelle Meunier, sénatrice socialiste de Loire-Atlantique et vice-présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, a interpellé Muriel Pénicaud à ce sujet, dans une question publiée jeudi au Journal officiel.

« Ces chaînes de vidéos […] cumulent des millions de vues. La forte mise en valeur de produits ou de marques laisse penser que ces vidéos pourraient être assimilées à des publicités », explique la sénatrice, « En dessous d’un certain âge, cette exposition peut avoir des conséquences sur le développement psychologique de l’enfant, sur l’atteinte à sa dignité. Il convient donc de protéger les enfants des dérives de ces activités ». Michelle Meunier estime qu’il faut « étendre expressément les dispositions de l’article R.7124-1 aux vidéos en ligne ».

Cet article de loi réglemente le travail des moins de 16 ans dans les domaines du spectacle vivant, de l’e-sport, de la mode et de la publicité. La sénatrice socialiste aimerait que la production de vidéos en ligne intègre ce cadre législatif. L’idée n’est pas nouvelle, elle est défendue par l’OPEN depuis plusieurs mois.

Un «danger psychologique» pour les enfants, des sommes rondelettes pour les parents

L’association dénonce entre autres l’unboxing, cette nouvelle tendance qui consiste à filmer des enfants déballant des cadeaux. La monétisation des contenus par les parents soulève des questions éthiques de travail des enfants. Néo, un des protagonistes de Swan The Voice – Néo & Swan, explique, dans une interview au Journal de Mickey , que son père a démissionné de son emploi pour monter les vidéos. Les 3% des chaînes YouTube les plus regardées, avec plus de 1,4 million de vues par mois, dégagent en moyenne plus de 16.800 dollars [14.220 euros, ndlr] par an selon une étude de Mathias Bärtl, professeur à l’université d’Offenburg. Les revenus s’envolent pour les chaînes les plus attractives. La chaîne Swan The Voice publie une vidéo par jour en moyenne et engrange entre 500.000 et 2 millions de vues par publication.

En septembre dernier, le cabinet de Muriel Pénicaud considérait l’unboxing comme un «loisir privé». L’institution estimait alors que l’évolution du droit viendrait par jurisprudence: «si le juge devait requalifier cette activité comme un travail, cela la rendrait illicite». Fin mai, l’OPEN a envoyé deux dénonciations aux parquets de Bobigny et de Lyon. Elle a également saisi le Conseil National de la Protection de l’Enfance (CNPE), un organisme présidé par Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé.

« L’idée n’est pas d’interdire, c’est d’accompagner et de protéger », argue Thomas Rohmer, le président de l’OPEN,

« On souhaite que ces enfants puissent bénéficier du statut d’enfant du spectacle, très protecteur en France, qui tout en permettant de continuer l’activité, permettra aux enfants d’avoir des conditions de tournage allégées et adaptées à leur âge ainsi que de toucher les revenus qui leur sont dus. »

« Nous considérons qu’il y a un vrai danger psychologique et physique pour les enfants. À raison d’une vidéo par jour, ils sont privés de toute activité de loisir, de vie sociale. C’est tout un équilibre qui n’est plus préservé », a confié Christine Aubague, avocate de l’association, dans une interview accordée à LCI.

«C’est une forme de maltraitance. Mais c’est finalement dans la lignée d’émissions télévisées comme The Voice Kids: on en fait de jeunes adultes», déplore Serge Tisseron, psychiatre spécialisé sur le rapport des enfants à Internet et aux écrans, interrogé par Le Figaro .

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