Face à la hausse du nombre de youtubeurs mineurs, une association française saisit la justice pour «travail illégal». Et en Suisse ?

Un enfant de 8 ans filmé en train de déballer ou d’essayer un nouveau jouet travaille-t-il? C’est en tout cas ce que pense l’Observatoire français de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN). En fin de semaine passée, l’association a envoyé deux dénonciations à la justice hexagonale pour «travail illégal».

L’OPEN pointe notamment le vide juridique concernant les enfants youtubeurs dont les plus célèbres enregistrent plusieurs millions de vues par vidéo. « Le fait que cela rapporte de l’argent n’est pas le problème. Mais ces enfants passent tous leurs mercredis après-midi et leurs week-ends à tourner », regrette Thomas Rohmer, président de l’association, dans «Les Échos».

Sociologue spécialiste des usages numériques à l’UNIL, Olivier Glassey abonde. « Ce qui frappe, pour certains, c’est le nombre de vidéos hebdomadaires produites. On peut se demander à quel moment une activité de loisir devient quelque chose de plus industriel », souligne-t-il.

Car si la plupart des chaînes restent relativement anonymes, certaines deviennent de véritables poules aux œufs d’or. Grâce aux rémunérations offertes par YouTube mais aussi au placement de produit. «Les plus visibles sont très lucratives. En termes de publicité, c’est un rêve pour les professionnels du marketing.»

À tel point que certains parents réduisent ou cessent leur activité professionnelle pour se consacrer à la notoriété de leur progéniture. « Cela change totalement le rapport avec son enfant. Du moment qu’il devient une condition importante de l’obtention de notre revenu, on en fait son employé », précise Olivier Glassey.

Avocate spécialisée dans le droit du travail, Selina Müller affirme que l’activité des jeunes youtubeurs entre dans la définition juridique helvétique du travail. « Dès le moment où un enfant fournit une prestation contre une contrepartie, par exemple un jouet offert par une marque, c’est considéré comme du travail. »

Et, contrairement au flou existant en France, la Suisse est très claire sur le sujet. «Un mineur de moins de 13 ans ne peut pas travailler plus de 3 heures par jour et 9 heures par semaine. Cette prestation doit également être annoncée au moins 14 jours à l’avance par ses parents», détaille l’avocate tout en précisant que cette activité ne doit pas avoir de répercussion sur la santé, le développement et l’investissement scolaire de l’enfant.

Si la réglementation du travail des mineurs est tranchée en Suisse, la question financière reste ouverte. « Il y a un déséquilibre évident entre les parties. Il faudrait avoir une réflexion sur la répartition des gains entre parents et enfants. » (Le Matin)

 

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