Par Désirée de Lamarzelle – Marie Claire
Une enquête Ifop vient de révéler une hausse inquiétante de fréquentation des sites pornographiques chez les adolescents. Le point sur les effets dévastateurs sur ces -très- jeunes adultes avec Thomas Rohmer, président de l’Open (Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique).

Pour de nombreux adolescents, la sexualité s’apprend lors du visionnage de films pornographiques. Mais ce qu’ils ne doivent pas oublier, c’est que cela est avant tout du cinéma.

Avec le libre accès sur Internet mais aussi l’équipement en smartphones, l’étude Ifop Les Ados et le Porno révèle une hausse inquiétante de la consommation de films X chez ces derniers :

La moitié d’entre eux, entre 15 à 17 ans, ont déjà surfé sur un site pornographique. Un chiffre en hausse constante (37 % en 2013 pour 51 % en 2017) qui concerne également des adolescents de plus en plus jeunes puisque leur premier film est regardé en moyenne à 14 ans.

Inquiet, Thomas Rohmer président de l’Open* (Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique) rappelle les effets dévastateurs de la consommation du porno dans la construction de la sexualité mais aussi sur les rapports filles garçons.

L’industrie du cinéma porno

« La pornographie développe des pratiques qui sont très éloignées de la réalité mais aussi d’une relation normale fille garçon. » 

« Même s’il y a des gens très respectables dans le milieu du cinéma du porno, certains « tubes » qui génèrent des millions -et qui sont hébergés dans des paradis fiscaux- sont dans une tout autre mouvance et seul le sensationnel compte. »

Une industrie que cette quête d’audience nivelle par le bas :

« Ces films véhiculent des images d’un extrême violence, mais aussi de domination masculine et d’avilissement de la femme. », et d’ajouter « il y a une surenchère de pratiques les plus « hard » avec, par exemple, des scènes de quadri-pénétrations anales qui posent forcément la question de la souffrance. »

Une brutalité dans l’acte sexuel qui commence sur les plateaux de tournage avec des conditions de travail quasi inhumaines; récemment dénoncées par la réalisatrice Ovidie et ex-hardeuse dans un documentaire sur Canal+ («Pornocratie»).

Pour Thomas Rohmer certaines pratiques sexuelles ont même été inventées par l’industrie de cinéma X :

« Ils développent des pratiques purement dédiées au cinéma comme l’éjaculation faciale qui est une pratique totalement inventée pour incarner la jouissance masculine de manière visuelle. »

Un ado sur deux déclare dans le sondage que les vidéos pornographiques qu’il a vues ont participé à l’apprentissage de sa sexualité.

Un chiffre qui explique un manque de repères chez certains jeunes gens dont les normes en matière de sexualité ont totalement évolué.

« Prenez l’exemple de la brigade des mineurs, qui a ajouté un nouveau mot à son jargon : le MIOL. Un « viol difficile à caractériser entre des enfants jeunes qui n’ont pas conscience de leurs actes ».

Comment préserver les ados ?

« Il ne faut pas stigmatiser les jeunes. »

Pour Thomas Rohmer, il faut accompagner ces enfants en renforçant l’éducation sexuelle. « La société devrait être en mesure de donner des réponses à ces ados qui prennent pour des rapports normaux entre une fille et un garçon ce qu’ils voient dans les vidéos. » et « Le mieux serait de partir d’une feuille blanche pour se poser les bonnes questions et réfléchir à ce qu’il y a à faire, notamment pour l’image de la femme. »

Sans oublier le rôle des parents, qui sont parfois dépassés par le libre accès à la pornographie sur Internet.

« Il faut leur proposer à eux aussi des accompagnement à la parentalité numérique. C’est un enjeu d’éducation »

Apprendre aux ados à ne pas confondre fiction et réalité, mensonges et vérités, poser des interdits et sanctionner leur transgression.

 

* L’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique, avec le soutien du ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, est une association à but non lucratif qui a pour vocation d’aider les parents pour protéger leurs enfants.

Sondage Ifop Les Ados et le Porno : Le X a un coup de clic… mars 2017

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